Comment exploiter le potentiel de synergies dans une stratégie de croissance externe ?

Focus métier, Etudes de cas

stratégie de croissance externe

Dans le contexte d’une stratégie de croissance externe, le potentiel de synergies entre l’acquéreur et la cible est un des premiers aspects examinés. Toutefois, l’évaluation et la matérialisation de ces synergies restent encore mal appréhendé.

Comment mieux appréhender les synergies, thème crucial et pourtant mal compris de la croissance externe ?

Pourquoi les synergies annoncées en M&A ont-elles tendance à décevoir ?

Il existe de très nombreuses raisons pour lesquelles les opérations de M&A échouent à atteindre les objectifs espérés, cependant la surévaluation de la cible basée sur des synergies trop élevées est une raison récurrente.

Les causes de ces surévaluations gravitent généralement autour d’une mauvaise compréhension de l’évaluation des synergies, ainsi que des projections agressives pour justifier l’acquisition auprès des partenaires financiers.

Comprendre le périmètre des synergies :

Pour pouvoir évaluer les synergies encore faut-il les identifier correctement. Les synergies de coûts accaparent encore aujourd’hui la majorité de l’attention, notamment à travers la recherche de taille critique, concept popularisé dans les années 1970 et 1980 dans un tissu économique fortement industriel. Les synergies de coûts se matérialisent principalement par les économies d’échelle liées aux volumes plus importants ainsi que par la rationalisation des fonctions supports.

Les synergies de revenus sont plus difficilement quantifiables, prennent plus de temps à être implantées, et sont plus incertaines. Cependant cela serait une erreur de les survoler. En effet les synergies de revenus peuvent excéder grandement les synergies de coûts. Les synergies de revenus se matérialisent lorsque les revenus espérés sont supérieurs à la somme des revenus des deux entités séparées. Ces revenus peuvent être générés par le cross-selling, de nouveaux réseaux de distribution, une offre de produits plus complète, etc.

Néanmoins, l’intégration d’une cible est longue et coûteuse. Plus le champ d’intégration (fonctions supports, production, distribution, management) sera large, plus les coûts et surtout la durée augmenteront. C’est une bonne occasion de vérifier la cohérence entre les synergies annoncées et les coûts d’intégration. Une forte dichotomie suggérera une approche légère ou biaisée dans les projections, et appellera à un examen minutieux des détails des projections.

Enfin, dans une stratégie de croissance externe, il est important de ne pas oublier de soustraire les dis-synergies liées aux transactions M&A en général telles que : la perte de clients, perte d’employés, modifications des conditions salariales, rebranding, cannibalisation de produits, frictions liées aux différentes cultures d’entreprise, etc.

Quel potentiel des synergies dans une stratégie de croissance externe ?

Les synergies de coûts sont plus simplement appréhendables, notamment car elles reposent sur l’organisation interne de l’entreprise, il s’agit donc d’un environnement dans lequel on dispose d’un plus grand contrôle pour implémenter les transformations nécessaires à la réalisation des synergies. Les synergies espérées sont aisées à projeter puisque l’environnement et les coûts sont connus, cependant il est important de ne pas oublier d’y intégrer les coûts d’implémentation. L’implémentation couvrira principalement des modifications opérationnelles et organisationnelles, par conséquent l’étude préalable de la cible déterminera l’étendue et le coût de mise en œuvre en fonction des similarités entre les entreprises.

Les synergies de revenus sont plus complexes à réaliser car elles ne peuvent être imposées aux clients. Pour être fructueuses, elles doivent parfaitement s’inscrire dans la stratégie de croissance externe des entreprises. En effet, pour générer un surplus de revenus par rapport aux deux entités séparément, il est important que l’association des produits soit perçue comme pertinente par le consommateur.

EBay et Skype sont un bon « mauvais exemple ». « En 2005 eBay rachète Skype pour 3,1 milliards de dollars « eBay + PayPal + Skype signifie un outil d’e-commerce, de micro-paiement et de communication inégalé » selon Meg Whitman, PDG d’eBay, « Les synergies sont évidentes puisqu’un accord avait été signé afin de permettre aux utilisateurs du service de téléphonie sur Internet de régler via ce système de paiement sécurisé. En clair, eBay veut « générer plus de ventes, de nouvelles opportunités et de nouveaux revenus issus d’un nouveau marché en plein essor : la téléphonie sur IP ». Malheureusement il n’en a rien été puisque les consommateurs n’ont pas ressenti le besoin d’une communication vidéo pour effectuer leurs transactions, et s’ils en avaient besoin, eBay n’avait pas de pertinence particulière pour leur apporter. 5 ans plus tard et aucune synergies réalisée, eBay revendra 65% du capital de Skype pour 1,7 milliards.

A contrario, l’absorption de Gillette par Procter et Gamble’s fut fructueuse car Gillette a pu commercialiser de nouveaux produits d’après-rasage, crèmes et déodorants en s’appuyant sur l’expertise de P&G. Ces synergies ont été un succès car les consommateurs accordent une légitimité à Gillette pour leur fournir des produits autres que les rasoirs, tout en restant dans l’univers masculin.

L’enjeu de l’exécution post – acquisition :

Cependant, peu importe la qualité de l’analyse stratégique réalisée pré-acquisition, aucune synergie ne sera réalisée sans une intégration minutieusement préparée.

Malheureusement, de nombreuses opportunités de synergies ne sont pas réalisées malgré leur potentiel. Cette situation, trop fréquente, est majoritairement due à un manque de planification et d’engagement de la part de l’acquéreur dans les chantiers de transformation.

Ces transformations reposent sur la mise en place d’une nouvelle organisation, soutenue par des moyens techniques (SI, outils de production) et humains. Ce dernier point est souvent le grand oublié dans ces chantiers, or les synergies de revenus sont les plus défavorablement impactées par ce manquement. En effet, les équipes commerciales doivent être capables de s’adapter à de nouveaux portefeuilles de produits, le risque s’accentuant avec la différenciation des produits.

Mais au-delà de la formation, c’est une partie de l’organisation qui est à revoir, les équipes commerciales des deux entités devant pouvoir commander l’ensemble des produits, et se voir correctement attribuer les performances commerciales. Une tâche souvent difficile dans un environnement post-acquisition bicéphale autant dans l’organisation que dans les outils, IT, contrôle de gestion, supply chain, RH sont d’autant de problématiques qui doivent converger pour espérer tirer bénéfice des synergies envisagées, or chacune de ces activités sont transverses au sein de chacune des entreprises, rendant la convergence d’autant plus longue et compliquée si l’on ne veut pas disrupter leurs activités respectives.

Nombres de ces recommandations semblent être des évidences, mais ne sont pas pour autant respectées. Les raisons rencontrées sont généralement une tentative de rentabiliser le plus rapidement une acquisition en n’investissant pas suffisamment dans l’intégration de la cible, ou bien l’émergence post-acquisition de nouveaux sujets prenant alors la priorité sur les chantiers de transformation. C’est pour cela que nous recommandons toujours fortement d’anticiper les chantiers et la planification nécessaire dès la fin des négociations de la transaction.

Empiriquement, un savoir-faire de la synergie est démontré par les acteurs capables de réaliser de façon répétée des synergies lors d’acquisitions. Des entreprises comme AB InBev ou Procter & Gamble’s réussissent à multiplier les acquisitions avec des synergies supérieures aux moyennes de leurs secteurs. Quel est leur secret ? La rigueur. La rigueur dans l’analyse stratégique et financière des opportunités en ne s’autorisant pas à sortir des cadres fixés au préalable. La rigueur également dans l’intégration des cibles, par l’application de méthodes robustes et identiques ne laissant aucune place à l’improvisation. La réalisation de synergies par acquisition est un domaine dans lequel on rencontre une forte courbe d’apprentissage, permettant aux entreprises leaders dans ce domaine de s’améliorer constamment, non seulement en appliquant des stratégies bien pensées, mais car leur organisation globale s’est adaptée à intégrer constamment de nouvelles acquisitions.

Une vision stratégique, organisationnelle et opérationnelle pour une acquisition réussie :

Les synergies déçoivent car elles servent trop souvent de justification pour des premiums d’acquisition trop élevés. La première erreur de cette démarche est généralement d’étudier les possibilités de synergies après avoir trouvé une opportunité d’acquisition. Nous recommandons plutôt de poser la stratégie globale de l’entreprise dans un premier temps puis d’élaborer une stratégie de croissance externe génératrice de synergies en cohérence. C’est seulement à ce moment-là que l’on pourra cibler des entreprises pouvant s’intégrer à cette stratégie. Enfin, une fois l’acquisition effectuée, seule une véritable implication des dirigeants dans un projet de transformation de l’entreprise permettra de réaliser les synergies espérées. Ce qui distinguera les meilleurs, sera leur capacité à appréhender les synergies comme des transformations organisationnelles et opérationnelles et non à les réduire à des opérations comptables.

 

La check-list Arcéane lors de l’étude de synergies entre acquéreur et cible dans le cadre d’une stratégie de croissance externe :

1. Préparation

  • Poser la stratégie de l’entreprise
  •     Élaborer une stratégie de croissance externe au service de la stratégie de l’entreprise
  •     Déterminer le type d’entreprise répondant à cette stratégie
  •     Réaliser une analyse stratégique de la cible et évaluer son potentiel d’intégration dans la  stratégie actuelle de l’acquéreur

2. Évaluation

  • Valoriser séparément les synergies de coûts, de revenus, et les synergies négatives
  • Estimer les coûts d’implémentation
  • Comparer les valeurs avec les résultats empiriques du secteur


3. Exécution

  • Identifier les fonctions et les activités impactées par les synergies
  • Définir une organisation cible
  • Planifier les chantiers d’intégration
  • Affecter les moyens nécessaires aux chantiers
  • Mesurer les performances post-acquisition

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