Face à ce constat, quel peut être le comportement d’un dirigeant d’entreprise ?
- L’immobilisme n’est pas une option : dans ce monde d’incertitude, attendre des temps plus calmes pour investir, recruter, lancer des projets vous fait rentrer pour le coup dans la certitude du déclin. La politique de l’autruche, l’absence d’action est le plus grand risque.
- Au contraire, sortir la tête du guidon, écouter, anticiper, sortir du quotidien, se remettre en cause, faire une veille active de l’évolution des marchés et des technologies sont plus que jamais une nécessité vitale.
- Face à la montée des aléas, garder ses marges de manœuvre est essentiel. Comme un marin par gros temps, il faut rester manœuvrable. Exit les théories de la trésorerie zéro ou des stocks minimums. Être en capacité d’absorber un durcissement des conditions de financement, une interruption d’approvisionnement ou un report de commandes permet au dirigeant de garder la tête froide et de transformer les « crises » en opportunités.
Comment penser une opération de fusions-acquisitions dans ce contexte ?
Nous le disions, l’immobilisme n’est pas une option. Un projet de cession, une politique de croissance externe, une décision de levée de fonds obéissent à des considérations stratégiques et non aux caprices de la conjoncture du moment. Chacun d’entre eux se prépare longtemps à l’avance ce qui veut dire qu’entre la décision initiale et la concrétisation, de nombreux paramètres seront amenés à changer. En être conscient ne condamne pas à l’inaction.
Ces trois types d’opérations ont des points communs, mais obéissent cependant à des logiques bien différentes.
Les points communs :
- La clé de la réussite réside dans la qualité de la préparation. L’entreprise doit se mettre en ordre de marche avant de se lancer dans l’action. Le sujet est trop vaste pour être véritablement traité en quelques lignes : identification des forces, limitation des faiblesses, lisibilité des performances, traitement des obstacles juridiques ou fiscaux….
- La maîtrise du temps est essentielle ; elle est bien sûr relative puisque ces opérations nécessitent la rencontre réussie de deux stratégies : celle du dirigeant et celle de la ou des contreparties (selon le cas, acquéreur, investisseur, cédant), avec qui le deal sera conclu. Mais elle nécessite une conduite de projet structurée afin de réduire la période déstabilisatrice des négociations.
Les logiques sont cependant différentes :
- Cession : un tel projet correspond soit à des considérations propres aux actionnaires majoritaires (départ à la retraite, souhait d’entreprendre un autre projet, contrainte de liquidité, diversification patrimoniale…) soit à une analyse lucide des paramètres de l’entreprise (atteinte d’une taille critique, nécessité d’un adossement industriel, ouverture à l’international…), les deux se combinant le plus souvent. L’incertitude qui caractérise notre monde poussera plutôt à une augmentation des décisions de ce type. Le choix du moment du passage à l’action s’avère cependant plus délicat : rien ne sert d’attendre des temps calmes qui ne viendront jamais mais il n’en demeure pas moins que choisir la bonne fenêtre de tir aura un impact fort sur la réussite et la valorisation.
- Levée de fonds : elle répond à plusieurs problématiques. Réorganisation du capital, nécessité d’un renforcement des fonds propres, besoin de s’ouvrir à de nouveaux associés apportant au dirigeant, non seulement des moyens financiers au service des ambitions de l’entreprise mais aussi des complémentarités d’expériences, de réseau, de compétences. La vraie question sera alors d’être en capacité de présenter une taille critique minimum et d’offrir à l’investisseur la perspective d’un retour séduisant pour son investissement.
- Croissance externe : l’analyste stratégique y est particulièrement essentielle : renforcement de ses parts de marché, acquisition de la maîtrise d’une technologie, recherche de synergies…. Paradoxalement, dans un environnement incertain, de telles opérations correctement maîtrisées sont sans doute moins risquées que de miser sur son seul développement interne.
Quelles seront les implications pratiques sur les opérations de fusions-acquisitions ?
Tous ces éléments expliquent que l’incertitude ne freine pas le marché des opérations de fusions-acquisitions, même si elle a des incidences sur leur exécution. Les principales sont :
- Une approche de l’évaluation plus difficile :
- Incertitude grandissante veut dire primes de risque plus élevées, ce qui, couplé à la remontée des taux que nous sommes en train de vivre, conduit à une baisse mécanique de la valeur des entreprises. Celle-ci se constate depuis le deuxième semestre 2022.
- Les actifs incorporels, non ou mal comptabilisés dans les bilans, revêtent une importance plus grande que jamais : savoir-faire, technologie, qualité de l’équipe
- Les montages financiers des acquisitions doivent refléter l’incertitude des prévisions. Là aussi rester « manœuvrable » est une exigence afin d’éviter que les effets de levier ne se transforment en effet boomerang.
- Les modèles économiques flexibles, les revenus récurrents, les barrières d’entrée solides, qui réduisent l’incertitude, bénéficient à l’inverse d’un intérêt accru et d’une valorisation plus forte
L’ensemble des acteurs du marché n’a pas d’autre choix que de continuer à avancer, lucides sur les incertitudes mais convaincus de la nécessité d’agir, l’inaction étant le pire des risques.
Vivre est certes dangereux mais plus passionnant que jamais !
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